Terre & Nature : “Le premier parc périurbain de Suisse romande voit le jour dans le Jorat”

Terre & Nature : “Le premier parc périurbain de Suisse romande voit le jour dans le Jorat”

Prisés par les amateurs de plein air, les 4000 hectares de forêt qui s’étendent entre le Gros-de-Vaud et la Broye accueillent chaque année près d’un million de visiteurs. D’ici quelques mois, une partie de ce havre de verdure situé aux portes de Lausanne deviendra le premier parc naturel périurbain de Suisse romande, le deuxième du pays après celui de Zurich. Après huit ans de vives discussions entre les acteurs de la région et les treize communes fondatrices, ce sont finalement quatre d’entre elles qui en assureront la gestion – Lausanne, Épalinges, Jorat-Mézières et Jorat-Menthue – sous la bannière de l’association Jorat parc naturel, présidée par Natacha Litzistorf, municipale lausannoise chargée de l’environnement. «Contrairement à ce qui était prévu à la base, la zone du parc ne sera située que sur le territoire lausannois. Mais cela ne change pas notre objectif initial. Ce projet est un condensé de durabilité et un outil idéal pour protéger notre patrimoine, le plus grand massif forestier d’un seul tenant du Plateau suisse.»

Précieuse réserve naturelle

Conformément à l’ordonnance sur les Parcs d’importance nationale de la Confédération (Oparcs), l’espace sera divisé en deux parties distinctes: une zone de transition d’environ 5 km2 permettant la pratique d’activités sportives, de loisirs ainsi que la sylviculture, et une zone centrale de 4,4 km2 dévolue à la libre évolution des processus naturels. «Dans cette réserve, qui représente environ 10% du massif, les interventions forestières seront limitées aux entretiens sécuritaires et les marcheurs ne pourront pas quitter les sentiers. La récolte de champignons et les courses d’orientation ne seront pas non plus autorisées, explique Sophie Chanel, directrice du parc. Il s’agit ici de diminuer la pression de l’homme sur la nature. Des analyses scientifiques sur la faune et la flore seront en revanche menées sur l’ensemble du périmètre. » En novembre dernier, une première mesure de revitalisation d’une lisière forestière a déjà été réalisée, valorisant les espèces indigènes et le bois mort. D’autres opérations de protection des zones humides et des sources naturelles suivront ces prochains mois. Alors qu’une hausse de la fréquentation du massif joratois a été constatée cette année avec le semi-confinement – 1340 visiteurs ont été comptabilisés en une seule journée depuis Le Chalet-à-Gobet cet été -, Natacha Litzistorf rappelle que cette labellisation n’a pas pour but d’attirer encore plus de monde, mais de gérer efficacement les flux des usagers. «Nous avons de beaux parcs à Lausanne, mais il est nécessaire de proposer des espaces de respiration plus généreux et accessibles en transports en commun, afin d’absorber la pression démographique de la région. Accueillir la population dans de bonnes conditions et préserver la forêt ne sont pas incompatibles, contrairement à ce que certains opposants ont pu penser. Un parc périurbain est un beau défi pour les villes d’aujourd’hui», dit-elle. «Cela va aussi permettre de sensibiliser les visiteurs à la nature et aux comportements à adopter en fonction du milieu concerné. Car on protège mieux ce que l’on connaît», complète Sophie Chanel.

Relocalisation de la filière bois

Depuis le Moyen Âge, la forêt du Jorat est exploitée pour son bois de chauffage et de construction. Aujourd’hui, 32’000 m3 y sont produits chaque année, principalement de l’épicéa, du sapin et du hêtre, dont une partie est exportée. Pour Jean Rosset, inspecteur cantonal des forêts, la création du parc pourrait contribuer à relocaliser la filière dans la région. «Cette matière première de qualité pourrait être davantage valorisée dans le canton, comme le fait déjà en partie la ville de Lausanne. C’est prometteur.» Mais la création d’une réserve naturelle au coeur du parc va-t-elle de pair avec le développement de la branche? «Certains forestiers étaient en effet en désaccord avec cette idée, mais une forêt doit aussi être pourvue de zones volontairement abandonnées pour favoriser la stabilité de son écosystème», assure-t-il. Cette sylviculture respectueuse du rythme de la nature s’inscrit également dans la stratégie du Canton, qui prévoit de mettre en réserve 10% des forêts vaudoises d’ici à 2030. Natacha Litzistorf ajoute qu’un suivi sera effectué ces prochaines années, afin de connaître l’impact de cette politique publique sur les flux de population et l’évolution du biotope. «La création d’un parc périurbain est une expérimentation novatrice, dont les conséquences seront visibles sur le long terme, fait-elle remarquer. Il est de notre responsabilité de protéger ce maillon essentiel de la biodiversité en Europe.»

Lila Erard

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