Membre du comité de la Diana, Fabrice Pancini (à gauche) explique sa passion et dit comprendre en partie les véganes.

Les chasseurs sont de retour dans les champs et forêts du canton, la chasse générale 2019 a été ouverte mardi. C’est l’occasion d’une rencontre avec Fabrice Pancini, membre du comité de la Diana vaudoise depuis dix ans et chasseur depuis toujours ou presque.

Samedi passé, vous avez apporté publiquement votre soutien au projet de Parc du Jorat. Est-ce compatible avec votre activité de chasseur?
Oui, tout à fait. Les chasseurs partagent le même but que les promoteurs du parc: préserver la biodiversité. Comme les pêcheurs, les champignonneurs ou les cueilleurs, les chasseurs aiment et respectent durablement la nature.

Ne craignez-vous pas de voir ainsi votre territoire de chasse être amputé?
Non, puisque le Canton s’est engagé à compenser cette perte en déclassant d’autres zones. Et contrairement aux idées reçues, nous ne cherchons pas à augmenter nos prélèvements. Nous respectons les quotas fixés par le Canton et, contrairement à ce dernier, aux forestiers et aux agriculteurs subissant des dégâts, nous ne souhaitons pas restreindre les populations de sangliers, de chevreuils ou de cerfs. Pour nous, une chasse raisonnée rime avec une population de gibier saine et stable.

Vous dites aussi que vous pouvez en partie comprendre le mouvement végane…
Oui, principalement dans son rejet de l’élevage et de l’abattage intensifs. Je suis très sensible à la condition de vie animale: je préfère donc largement avoir dans mon assiette un animal ayant vécu en liberté plutôt qu’un autre ayant grandi dans un élevage industriel. En conséquence, je consomme quasi exclusivement de la viande que j’ai chassée et qui, au passage, a une empreinte carbone très réduite. Consommons moins, mais de meilleure qualité!

Vous rendez-vous compte que votre discours est assez éloigné de l’image traditionnelle du chasseur?
Bien sûr. L’image du «viandard ivrogne», on la connaît bien. Mais elle ne correspond pas, ou plus, à la réalité. Elle est en partie due à l’image déformée transmise par les médias. Tous ont par exemple parlé de deux récents faits divers impliquant des chasseurs: celui des quatre ânes et celui du vététiste abattu en Haute-Savoie. Mais combien ont relayé les communiqués de la Fédération française des chasseurs indiquant qu’aucun des deux cas n’était un accident et que les deux relevaient du drame privé?

Vous ne voulez quand même pas nous faire croire que tous les chasseurs sont exemplaires?
Bien sûr que non! Il y a dans nos rangs, comme partout ailleurs, une part d’imbéciles; mais je ne connais aucun chasseur qui éprouve de la satisfaction à voir un animal mourir. Pour beaucoup de monde, tuer c’est détruire. Mais le chasseur, comme l’éleveur d’ailleurs ou le lion qui s’empare d’une gazelle, n’éprouve pas de ressenti négatif par rapport à la vie qu’il ôte. Il s’inscrit dans un cycle naturel. Le tir est la finalité d’une action complexe qui allie patience, observation et connaissance de la nature. Personnellement, je chasse parce que je veux me nourrir différemment. Je ne suis pas désolé de tuer un gibier, mais le remercie pour la viande qu’il va me donner et je fais en sorte de complètement le consommer.

Et que pensez-vous du retour du loup, qui fait débat?
C’est un animal magnifique, mais nous avons oublié les dangers qu’il peut présenter. Dans une forêt, une meute de loups est LE super­prédateur devant l’homme. Alors qu’il semblerait que nous ayons oublié les leçons du passé. De nombreux documents officiels du XIXe siècle de certains départements français dénombrent avec précision les attaques mortelles du loup. Je ne m’oppose toutefois pas à sa présence, mais farouchement à celle de meutes. À cause du danger qu’elles représentent pour tous les usagers de la nature. Je souhaite que ceux qui promeuvent ce retour en nombre aient conscience de leurs responsabilités sur les menaces qu’ils feront peser sur nos contrées.

Sylvain Müller

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